Twitter met un terme aux anciens « badges bleus » de certification


Annoncé en novembre, reporté au 20 avril, et désormais effectif : Elon Musk a mis fin jeudi au système des comptes vérifiés sur Twitter tel qu’établi depuis 2009. Les utilisateurs qui avaient la fameuse coche bleue attestant de l’authenticité de leur profil doivent désormais, s’ils souhaitent la récupérer, souscrire un abonnement payant à Twitter Blue pour un tarif allant de 9,6 à 11 euros par mois. Les entreprises, elles, ont depuis décembre 2022 des badges jaunes, et les organismes ou personnalités gouvernementales des badges gris.

Les différents badges or, gris et bleus permettent de différencier les entreprises, les organes d’Etat et les personnalités ayant souscrit à un abonnement Twitter Blue.

« Le système actuel de Twitter qui sépare les utilisateurs entre paysans ou seigneurs selon le fait qu’ils aient ou non une coche bleue, c’est de la connerie », justifiait le 1er novembre 2022 l’actionnaire numéro un de Twitter. Une décision censitaire qui a eu tôt fait de satisfaire ses aficionados mais aussi une frange conservatrice des utilisateurs qui estimait que le réseau social faisait preuve d’une indiscutable partialité sur l’attribution du macaron bleu. « Certains utilisateurs conservateurs dénigrent “la bande des coches bleues” pour ses privilèges et ses supposés biais libéraux, sans s’appesantir sur le fait que la quasi-totalité des républicains de premier plan en ont eux-mêmes », écrivait le 3 novembre le Washington post.

De fait, les critères d’attribution de cette marque de distinction ont toujours été opaques et interprétatifs : le compte candidat au badge bleu devait être « authentique, notoire et actif », se contentait ainsi de justifier Twitter sur la page dédiée. Les nouvelles conditions ne sont cependant pas forcément beaucoup plus claires : en plus de devoir être abonnés à Twitter Blue, les comptes souhaitant afficher un macaron bleu doivent à présent être « complets », « actifs » et « non trompeurs », d’après les nouvelles règles de la plate-forme.

Symbole de statut social

Plus qu’une tocade d’Elon Musk, ce changement est d’autant plus scruté que c’est la plate-forme dont il est désormais propriétaire qui, d’Instagram à Tik Tok, en passant par Pinterest ou YouTube, a façonné cette convention graphique consistant à faire d’une coche bleue le marqueur d’un compte « authentique ».

Exemple des « coches », inspirées de celle de Twitter, que l’on trouve sur différents réseaux sociaux. Ici sur les comptes Instagram, YouTube et Tik Tok du « Monde ».

La « checkmark », « coche », « spunta » ou encore « palomita », selon les pays, a en effet été instaurée par la plate-forme en 2009. A l’époque, plusieurs célébrités, dont le rappeur et designer américain Kanye West, se plaignent d’être victimes d’usurpation d’identité sur le réseau social. Tony La Russa, manager de l’équipe de baseball de Saint-Louis, aux Etats Unis, va même jusqu’à poursuivre la plate-forme pour faire fermer un compte se faisant passer pour lui.

En réponse, Twitter propose alors une première version du badge aux profils de personnalités publiques, non pour accréditer leur célébrité (et leur nombre de followers) mais attester de l’authenticité de leur compte. En 2016, le principe de la coche bleue est étendu à tous les utilisateurs par le biais d’un formulaire en ligne, mais Twitter garde la mainmise totale sur les attributions, dans une procédure obscure aboutissant parfois sur des décisions absurdes.

En 2017, une erreur majeure de l’équipe chargée d’attribuer les badges aboutit d’ailleurs à la suspension de nouvelles certifications. Trois mois après l’ultraviolente manifestation de l’extrême droite américaine à Charlottesville, en Caroline du Nord, qui fait un mort et 35 blessés, le réseau social attribue en effet la coche bleue au compte de Jason Kessler, suprémaciste blanc et principal organisateur du rassemblement. Face au scandale, l’entreprise annonce une pause dans les authentifications, qui durera plus de trois ans. « Les vérifications n’ont jamais eu pour but d’être une marque de soutien ou un indicateur d’importance, explique-t-elle alors. Nous reconnaissons que nous avons créé cette confusion. »

C’est pourtant bien ce que le célèbre badge bleu est devenu au fil des ans : un symbole de statut social davantage qu’un simple gage d’authenticité. En témoignent certains marchés noirs sur lesquels des internautes vendent des services pour obtenir le précieux macaron, sur Twitter comme sur d’autres réseaux sociaux. Dans certaines communautés, le terme de « blue checks » (« coches bleues ») a même été, à une époque, utilisé de façon péjorative pour désigner au choix l’establishment et les élites, ou plus souvent les journalistes des grands médias. Un usage qui se retrouvait généralement dans les communautés de sympathisants de l’ex-président américain Donald Trump.

Les conséquences d’un changement de sens

Ironiquement, en limitant désormais l’accès au badge bleu aux utilisateurs ayant souscrit à un abonnement payant, le Twitter d’Elon Musk a bel et bien transformé le petit macaron en symbole de soutien, mais dans l’autre sens : très majoritairement, celles et ceux qui l’affichent désormais sont favorables au milliardaire et à la nouvelle direction qu’il a fait prendre à la plate-forme.

Le Monde

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Reste que, malgré ses défauts bien réels et son opacité, la certification Twitter a été jugée suffisamment utile pour être copiée par tous les grands réseaux sociaux – Facebook, par exemple, a introduit un système similaire en 2012 et Instagram en 2014. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la remise en question du système de vérification sur la plate-forme à l’oiseau bleu inquiète au-delà de ses frontières : en changeant les règles qu’il a lui-même établies, Twitter introduit un peu plus de confusion en donnant à la coche bleue un sens différent de celui qu’il a toujours eu ailleurs sur Internet. Un peu comme si Facebook ou Reddit, soudainement, décidaient qu’un « like » avec un pouce en l’air voulait dorénavant dire quelque chose de complètement différent de ce qu’il a toujours signifié depuis son invention.

Ce problème se combine au fait que les comptes souscrivant à Twitter Blue sont activement promus dans les fils des utilisateurs, accroissant largement leur visibilité et facilitant le travail des usurpateurs d’identité. Rien de théorique : dès le lancement de cette offre payante, en novembre 2022, et alors que les coches bleues « historiques » existaient encore, Twitter a été confronté à une vague d’usurpations d’identité visant des célébrités, mais aussi des marques ou des entreprises. A l’époque, Elon Musk avait dû annoncer en catastrophe une pause dans le déploiement de Twitter Blue.

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